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Elevage respectueux de Colleys à Poil Court (Smooth) & à Poil Long (Rough) ~
 

   
 
 
 


Par le Pr Bernard DENIS
Professeur honoraire à l'Ecole vétérinaire de Nantes
Président de la Société d'Ethnozootechnie


Un document à lire par tous, éleveurs et propriétaires,
issu du séminaire de la Société Française de Cynotechnie
- Nantes, 12 & 13 décembre 2003... mais toujours très actuel!! -

 


LES INSCRIPTIONS A TITRE INITIAL DOIVENT-ELLES ÊTRE ENCOURAGÉES ?

La question est récurrente: on sait que la tendance spontanée, en cynophilie, est de souhaiter la fermeture du Livre généalogique, tandis que le Ministère de l'Agriculture s'y refuse.
Avant de proposer directement notre réponse, il convient de rappeler quelques éléments relatifs à la notion de race.

Quand une race commence-t-elle d'exister ?

Pour beaucoup de monde, une race existe dès lors que des éleveurs se sont entendus sur la définition d'un standard et ont ouvert un livre généalogique. Cela ne veut pas dire que, par la suite, des animaux sans papiers ne puissent pas être identifiés comme étant "de la race" mais la naissance de celle-ci correspond aux deux événements que nous venons d'évoquer. Ils sont parfaitement situés dans le temps, survenant le plus souvent dans la seconde moitié du XIX° siècle et la première du XX°.

Cette conception, très classique, a le mérite d'établir un point de repère précis pour la naissance des races, mais a l'inconvénient de trop artificialiser celles-ci puisqu'on en arrive à croire qu'elles n'existaient pas avant de recevoir, en quelque sorte, leur "acte de baptème".

En réalité, dans toutes les espèces animales, les races sont issues d'un long processus de différenciation régionale, que des croisements sont venus en permanence moduler, mais certainement pas anéantir. Chez les animaux de ferme, jusqu'au XIX° siècle, il ne faut pas exagérer l'importance des croisements, dont les effets finissaient par se diluer dans le fonds génétique commun de la population régionale concernée. Ils furent bien entendu plus importants chez le chien, mais cette espèce n'échappe toutefois pas à la description-type de la situation telle qu'elle pouvait exister avant la définition des standards et l'ouverture des livres généalogiques : il existait dans toutes les régions des populations hétérogènes, au sein desquelles émergeait parfois un type particulier, qui fut reconnu comme celui d'une future race. Si beaucoup de races ont reçu un nom de région, c'est bien qu'elles existaient avant leur naissance officielle et que les éleveurs ont pu s'entendre sans difficulté pour les identifier. Croire que, dans toutes les espèces, les populations animales étaient en variation quasi-désordonnée et que les races doivent leur existence à la volonté tout artificielle de l'Homme à la fin du XIX° siècle, est abusif.

Au moment de la "naissance officielle", l'homme fait un tri, repère les animaux les plus conformes au standard retenu et, parce que le tri est phénotypique, sera obligé de poursuivre celui-ci au cours des générations successives : il peut arriver en effet qu'un animal ait un phénotype intéressant un peu par hasard, qu'il soit en réalité issu d'un croisement l'éloignant du génotype de la population régionale et que sa descendance soit beaucoup trop disparate.

Beaucoup plus tard, peut-on considérer que tous les animaux de la race dérivent de ce que l'on appelle les "fondateurs", c'est-à-dire les sujets issus du tri initial? Cela fut sans doute rare. Il est probable que, d'une manière ou d'une autre, licite ou illicite, des gènes émanant d'animaux non inscrits, mais appartenant bien à la même population ou en en ayant l'apparence, ont été introduits régulièrement.

A ses débuts, on peut donc estimer qu'une race, dans une région donnée, comprend une fraction d'animaux fondateurs - les plus beaux d'après le standard nouvellement établi - et une population commune, qui est jugée non conforme au modèle recherché mais l'évoque tout de même. Naturellement, les premiers seulement ont droit au qualificatif racial. Au fur et à mesure que la sélection augmente l'homogénéité du groupe d'animaux inscrits, la race se fait mieux connaître et des mâles inscrits sont amenés à saillir des femelles "communes". L'hétérogénéité de l'ensemble des animaux du vieux fonds régional se réduit quelque peu mais ne disparaît évidemment pas.

Remarque: cette situation correspond aux débuts de la cynophilie. Dans les années cinquante, alors que certaines races ont été re-créées, il était encore possible de trouver des chiens de ferme exprimant le vieux type régional, mais ce serait sans doute beaucoup plus difficile aujourd'hui.

Une race n'est-elle composée que d'animaux inscrits ?

On peut comprendre que le législateur réponde par l'affirmative. On peut comprendre aussi que les éleveurs LOF adhèrent à cette idée, les chiens non inscrits étant qualifiés d'"apparence de race" ou, péjorativement, de "sans papiers". Il n'empêche que, scientifiquement, c'est faux. Les "papiers" constituent une reconnaissance officielle, une garantie mais la race se reconnaît "à l'oeil", même s'il arrive que celui-ci soit pris en défaut.

Chez les animaux de ferme, le pourcentage de sujets inscrits au livre généalogique a toujours été minoritaire. La Loi sur l'Elevage de 1966 a introduit une nouvelle catégorie d'animaux : ceux qui, non inscrits à l'UPRA (organisme qui tient le livre généalogique), sont néanmoins soumis à déclaration de naissance et contrôle de performances (contrôle laitier, contrôle de croissance etc ... ) constituent le Livre zootechnique. Les animaux qui ne sont, ni à l'UPRA, ni au Livre zootechnique, sont seulement identifiés. Les trois catégories comprennent des animaux "de race" mais la certification n'est réelle que pour ceux qui sont inscrits à l'UPRA.

Cette situation n'est pas inintéressante car, s'il y a beaucoup plus de chances que les animaux communs bénéficient des efforts des sélectionneurs (en recourant de temps à autre à un mâle inscrit pour la reproduction) que l'inverse, l'existence même d'une population sans références particulières constitue un important réservoir de variabilité, au sein duquel peuvent se trouver des sujets intéressants. En cas de besoin, le moyen de les utiliser légalement sera toujours trouvé.

Si les sélectionneurs inscrits à l'UPRA ont conscience de détenir les meilleurs animaux (ce qui, d'ailleurs, n'est pas toujours le cas), il ne leur viendrait pas à l'idée d'utiliser péjorativement les expressions "apparence de race" ou "sans papiers" pour désigner les animaux non-inscrits, mais de la même race.

Encore une fois, si l'inscription au livre d'origine certifie l'appartenance raciale, c'est le simple coup d'oeil qui l'établit, avec quelques risques d'erreur, il est vrai. L'assimilation "animal de race = animal avec papier" ne s'est faite que chez le Chien et le Chat, par habitude avant que le législateur ne le décide, pour diverses raisons.

Les animaux d'une même race sont-ils très ressemblants ?

Qu'ils soient ressemblants est évident, sinon ils n'appartiendraient pas à la même race. Mais doivent-ils être très proches les uns des autres ? La réponse est non. L'homogénéité la plus grande possible est l'apanage des lignées consanguines. Il est normal et même souhaitable que co-existent dans une race des types différents, aux plans morphologique, comportemental etc ... Naturellement, l'ampleur des différences ne doit pas être trop importante ; elle est à préciser au sein de chaque club.

Les raisons pour lesquelles une race ne doit pas être trop homogène sont doubles:

- si la mode évolue et que l'on recherche à l'avenir des chiens d'un modèle un peu différent, il doit être possible de faire évoluer la race par ses propres moyens,

- l'homogénéité s'obtient le plus souvent au prix d'une augmentation insidieuse du taux de consanguinité, dont les conséquences défavorables ne manquent pas.

Inconsciemment ou consciemment, c'est vers le "toujours plus d'homogénéité" que marche la sélection. Pour faciliter cet "affichage", dans les races où il existe plusieurs variétés, on les fait se reproduire chacune indépendamment des autres, ce qui peut conduire à accentuer les différences et les considérer comme des races distinctes, qu'elles n'étaient pas au départ. On ne dira jamais assez que les variétés doivent se croiser de temps à autre : elles constituent une sorte de réserve de retrempe naturelle l'une pour l'autre !

Certes, les clients ont souvent des idées précises sur le chien qu'ils veulent - celui qu'ils ont vu à la télévision par exemple - et ils n'accepteront pas, en bout de chaîne, un animal jugé trop différent de ce qu'ils attendent. C'est une question d'éducation du client potentiel: en toute logique, un éleveur ne peut garantir un type précis de chien que si son élevage se reproduit en consanguinité; l'acheteur doit en être informé et, bien entendu, accepter de payer cette garantie.

La question est alors de savoir jusqu'où aller dans ce raisonnement. Depuis le temps que nous le tenons, nous avons entendu des réflexions du genre : "Vous nous suggérez de revenir en arrière en défaisant ce que nous avons fait". Un collègue allemand, zootechnicien lui aussi, nous a même dit un jour à peu près ceci : "Finalement, vous êtes contre la sélection ... Pourtant, l'intérêt pour nous, zootechniciens, c'est de faire évoluer les populations. Lorsqu'il n'y a plus de variation, on passe à autre chose. Si la race est devenue consanguine et risque de disparaître, il en restera toujours bien assez d'autres pour nous occuper" (!)

Nous ne sommes évidemment pas contre la sélection mais nous affirmons qu'elle doit être mise en oeuvre dans un contexte de gestion de la race, qui implique :

- certes de la faire évoluer dans la direction souhaitée conjoncturellement,

- mais de conserver aussi suffisamment de variabilité pour l'orienter éventuellement dans une autre direction, plus tard.

Tout est question de mesure. Nous avons eu l'occasion cette année de voir un rassemblement d'une trentaine de chiens de "race" Corse (Ù Cursinù), et à peu près le même nombre de Bergers de Savoie et (ou) Bergers des Alpes. Il est clair que l'hétérogénéité actuelle est trop importante dans ces deux populations et que la sélection va devoir la réduire mais il n'y a là rien d'original : toutes les races de chiens ont commencé ainsi. Il faudra savoir jusqu'où aller et, surtout, éviter à un certain moment de privilégier la descendance d'un étalon en particulier au point d'en faire dériver toute la race !

Il est donc bien clair que les animaux d'une même race doivent certes exprimer suffisamment de caractères en commun mais ne sont nullement des copies conformes les uns des autres.

Comment maintenir de la variabilité intra-race ?

La question est difficile si on l'aborde au plan pratique mais elle ne peut être éludée.

Sans doute appartient-il aux clubs de faire à un certain moment une sorte d'"état des lieux", en identifiant ce qui existe comme souches, familles, courants de sang etc ... dans la race, puis de s'assurer, au cours des générations qui suivront, qu'aucune entité identifiée ne disparaît de la reproduction. S'il y a de gros risques pour l'une d'entre elles, il faut penser à la banque de semences. A quoi cela sert-il, en effet, de congeler la semence d'étalons remarquables qui ont déjà beaucoup reproduit ? Il vaut mieux mettre en réserve, au contraire, les caractéristiques d'étalons peu recherchés mais qui offriront peut-être un jour une retrempe intéressante. Tout cela ne vaut évidemment que si l'on se situe dans une optique de gestion de la race, auquel cas l'intérêt général l'emporte ; le financement de l'opération ne peut être alors que collectif, ce qui n'est pas facile à mettre en place.

Il est bon que les chiens récompensés en exposition ne soient pas toujours du même modèle. Il y a donc, là encore, une réflexion à conduire au sein du club, et des souhaits à formuler auprès des juges. Le rôle de ces derniers est capital, aussi bien pour l'exercice d'une "largeur de vues" que pour la pédagogie avec laquelle ils devront expliquer leurs jugements.

Dans les races où il existe plusieurs variétés, leur croisement doit être au moins toléré: si certains mariages risquent de donner de mauvais résultats (nous pensons à certaines couleurs ou à des différences de port d'oreille), il peut être vivement déconseillé aux éleveurs de les pratiquer, en leur expliquant les risques qu'ils encourent, mais ils ne devraient pas, en toute logique, être interdits.

Limiter le nombre de portées autorisées pour les étalons les plus demandés, est une bonne mesure. Nous ne proposerons pas de chiffre car la réponse est évidemment relative à chaque race. C'est plus le pourcentage de saillies réalisées à une génération donnée, que leur nombre, qui compte. Identifier les étalons qui ont reproduit à la génération précédente et le nombre de saillies qu'ils ont effectuées, est un bon point de départ pour l'analyse, le bon sens ayant alors plus d'importance que les calculs mathématiques.

Une pratique devrait être encouragée : celle d'une reproduction régionale, en incitant des éleveurs à s'entendre entre eux pour conduire la sélection en commun, avec des animaux qu'ils connaissent parfaitement. Ce n'est sans doute pas le meilleur moyen de produire des champions mais c'est une très bonne manière d'éviter l'introduction d'anomalies héréditaires dans son élevage (parfois, par des champions ... ), à la condition bien sûr que la transparence soit totale entre les éleveurs. Pour ce qui nous intéresse ici, cette façon de faire revient à constituer des souches, lesquelles diffèrent obligatoirement les unes des autres, du moins dans une certaine mesure, et constituent des réservoirs de variabilité.

Il est également souhaitable d'aller chercher de temps à autre d'autres courants de sang, faire donc une sorte de "retrempe intra-race". On les recherchera d'abord à l'étranger, en espérant qu'il en existe. On pourra aussi recourir à des chiens sans papiers (en définissant avec les responsables de la race le moyen de le faire légalement), ce qui nous ramène à la question posée au départ de cette première réflexion sur la variabilité génétique intra-race.

Le recours aux inscriptions à titre initial

Nous avons vu jusqu'à présent que:

- en leurs débuts, les races ont probablement puisé pendant un certain temps dans le "réservoir" des animaux non inscrits, pour enrichir génétiquement la descendance des fondateurs initiaux,

- d'un point de vue strictement scientifique, les animaux qui ont l'apparence d'une race en font partie, car c'est le coup d'oeil qui signe - en toute probabilité - l'appartenance à celle-ci et non pas les "papiers",

- même si la tendance, en cynophilie, est d'avoir des races toujours plus homogènes, il reste qu'elles doivent nécessairement conserver une variabilité qui leur permette, éventuellement, d'évoluer par elles-mêmes dans une autre direction.

On imagine donc aisément que les chiens sans papiers méritent l'attention, qu'ils soient susceptibles de conforter une orientation recherchée ou d'apporter tout simplement une intéressante retrempe. Il est alors, évidemment souhaitable de procéder au grand jour pour leur utilisation et, par conséquent, de les inscrire à titre initial.

Cela dit, il existe trois types de chiens sans papiers :

- des chiens issus de reproducteurs LOF qui, pour une raison ou pour une autre, ont quitté le circuit : ce ne sont pas des vrais "sans papiers" et ils ne constituent pas une retrempe à proprement parler;

- des chiens qui ont eu une origine LOF, mais il y a longtemps, voire qui ont dans leur ascendance des animaux du vieux fonds régional dont nous avons parlé. Ils sont particulièrement intéressants, même si leur type morphologique s'éloigne du modèle actuellement recherché chez les éleveurs LOF;

- des sujets qui peuvent exprimer un phénotype intéressant mais ont subi un apport de sang étranger à la race au cours des générations qui ont précédé. Introduits dans le cheptel sélectionné, ils sont susceptibles de faire des dégats.

Le problème est qu'en l'état actuel, il est bien difficile de savoir à laquelle des trois catégories appartient tel ou tel chien qui paraît intéressant.

C'est dire que l'inscription à titre initial implique d'exercer une surveillance très critique à l'égard des descendants de l'animal nouvellement inscrit. Son appartenance à la première ou à la troisième catégorie apparaîtra très vite au vu de produits identiques à ceux de l'élevage LOF ou, au contraire, de portées très hétérogènes. Son appartenance à la deuxième catégorie, débouchant sur une situation intermédiaire pour les produits, est perçue différemment par les responsables de la race: certains s'avéreront très déçus par les résultats et se déclareront dorénavant hostiles au titre initial. C'est sans doute parce qu'ils avaient en tête le modèle recherché dans le cadre du LOF et qu'ils avaient oublié que le rôle des chiens inscrits à titre initial n'est pas forcément de le transmettre ... D'autres seront au contraire heureux de retrouver des types de chiens oubliés dans le cadre du LOF et s'efforceront de les y réintroduire.

L'inscription à titre initial suppose que les clubs qui y recourent aient parfaitement compris qu'elle s'inscrit dans un contexte d'ouverture, à des fins de gestion génétique de la race. Mais elle est toujours incertaine. Cette incertitude est acceptable dès lors que toutes les précautions sont prises pour pouvoir barrer la route à un sujet qui s'avérerait détériorateur. Nous ne croyons pas qu'en l'état actuel de la réglementation de la cynophilie française, cette possibilité existe. Il y aurait peut-être lieu de revoir les modalités de l'inscription à titre initial en se rapprochant de l'esprit du "Livre d'attente".

Il convient de bien situer l'inscription à titre initial à sa place, celle d'une méthode qui permet de faire le lien entre les chiens LOF et les chiens sans papiers afin de retrouver une diversité génétique que, souvent, la sélection officielle n'a pas su conserver. Doit-elle être encouragée ? Peut-être pas mais, à l'inverse, il n'y a pas lieu de la rejeter, comme c'est si souvent le cas de la part de présidents de clubs qui aspirent à la fermeture du LOF. Ils doivent se remémorer que la race dont ils s'occupent n'a pas vocation à devenir une population consanguine parfaitement homogène, et que l'inscription à titre initial demande à être mise en œuvre avec précaution.

                                                                                                                   ... La suite en page suivante...
 



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